Johannes Kirschweng
1. Pater Lorson zu Johannes Kirschweng
Johannes Kirschweng im Porträt von Pater Lorson.
Gleiche Sicht der Saarfrage bei unterschiedlichen Biographien
Von Prof. Dr. Peter Burg
I. Die Begegnung in Wadgassen 1950
„Un écrivain sarrois“, ein saarländischer Schriftsteller, so betitelt der Jesuitenpater Peter Lorson einen Artikel in der katholischen französischen Tageszeitung „La Croix“ vom 15./16. August 1950, in dem er den Wadgasser Dichter Johannes Kirschweng vorstellt. Der Artikel ist Teil einer größeren Reportage des Jesuiten über das Saarland, in der er unter dem Pseudonym „René Baltus“ Geschichte und Gegenwart des Landes umfassend beschreibt. Pater Lorson gibt sich als französischer Reporter aus, der das kleine Nachbarland Frankreichs zur Informationsbeschaffung eigens bereist hat. Kein Wort davon, dass er in Friedenszeiten regelmäßig seine in Differten und Umgebung lebende Familie besuchte. Kein Wort auch davon, dass er Kirschweng gewiss schon länger kannte. Pater Lorson verbirgt nicht nur seine Herkunft, sondern durch die Verwendung des Pseudonyms sogar seinen eigentlichen Namen. Baltus hieß seine Großmutter mütterlicherseits, womit er diskret auf seine familiären Wurzeln verweist.
Als sich Peter Lorson und Johannes Kirschweng im Jahre 1950 trafen, befanden sich beide an ihrem Lebensabend, obwohl der eine erst 52, der andere erst 49 Jahre alt war. Pater Lorson hatte nur noch vier Jahre zu leben, Kirschweng nur noch ein Jahr. Die beiden waren Angehörige der gleichen Generation, und sie vertraten bei ihrer Begegnung die gleichen Ansichten in Bezug auf die geschichtliche und zukünftige Stellung des Saarlandes in Europa.
Sie führten ihre persönliche Haltung und die, wie sie meinten, der Mehrheit der saarländischen Bevölkerung gleichermaßen auf die Zugehörigkeit zu einer saarländisch-lothringischen Mischkultur zurück. So nahe sich die beiden in dieser Frage fühlen mochten, ein vergleichender Rückblick auf ihre Lebensgeschichte zeigt eine gravierende unterschiedliche Entwicklung und völlig verschiedene Erfahrungshorizonte auf. Angesichts ihrer spezifischen Biographie ist das politisch-kulturelle Einvernehmen in der saarländischen Nachkriegszeit höchst erstaunlich. Mit dem Vergleich der Lebensläufe beginnen meine Ausführungen, dann widme ich mich dem für beide wichtigen Begriff der saarländischen Mischkultur und Pater Lorsons Deutung von Kirschwengs Werk unter dem Aspekt der Mischkultur. Den Schluss bildet ein Resümee zur Würdigung der beiden Wadgasser.
Druck des gesamten Textes:
Johannes Kirschweng im Porträt von Pater Lorson. Gleiche Sicht der Saarfrage bei unterschiedlichen Biographien, in: Zeitschrift für die Geschichte der Saargegend 59, 2011, S. 155-172.
Mehr zum Schriftsteller Johannes Kirschweng
Pierre Lorson, Une enquête de René Baltus, Sarre : réalités et problèmes. Un
écrivain sarrois : Johannes Kirschweng, in : La Croix 15./16. August 1950, S. 2
u. S. 6.
<S. 2:>
Ce prêtre, qui fète ses cinquante ans cette année, réalise à l’avance, dans sa
personne et dans son oeuvre, l’idéal culturel poursuivi aujourd’hui dans la Sarre, et
que nous avons décrit dans nos articles précédents. De taille moyenne, de teint
brun de cheveux noirs, nettement brachycephale, cet homme, comme la plupart de
ses compatriotes, n’a rien tu type spécifiquement germanique. Son grand-père,
Jean Mathieu, était Lorrain. Lui-même me dit, en souriant, que son nom, sans
doute, autrefois, s’écrivait « Kirschvin », et signifiait vin de kirsch, synonyme
d’eau-de-vie de cerises. Cette éthymologie probable ne déplait pas à ce poète, car
le vin est bien pour lui le symbole, si ce n’est la source, de l’inspiration (1).
Kirschweng est né au coeur de la Sarre, à Wadgassen, à 10 kilomètres de la
frontière française, dans un village célèbre autrefois par un monastère de
Prémontrés, dont nous avon déja parlé. Après quelques timides essais de
ministère, il s’est fixé dans sa petite maison paternelle, entourée de jardins pour ne
vivre que de sa plume et pour sa plume. Conformement à la tradition des écrivains
et professeurs en Allemagne, il porte un costume civil decent et une cravate. Cela
ne plait d’ailleurs pas à tout le monde au village.
Notre auteur est encore Sarrois, parce qu’il écrit sur son pays. Il lui emprunte la
substance même de ses livres. C’est un « Heimatkuenstler », un écrivain
regionaliste. Traverser son oeuvre, c’est donc traverser d’une nouvelle manière le
territoire de la Sarre et dégager ses aspects caractéristiques.
Chantre de la nature discrète et pure
Dans ses essais, qui sont à notre avis, la partie la plus personelle et la plus
profonde de son oeuvre, Johannes Kirschweng evoque les aspects familiers et
quotidiens de la vie au village, la réaction des hommes et des choses devant les
evénements grandioses ou minuscules de la nature ou de la civilisation.
(Voir la suite page 6.)
____________
2
(1) Voir la Croix des 5. 6-7. 8. 9. 10. 11. 12 et 13-14 août.
<Neben dem Text befindet sich ein Brustbild von Johannes Kirschweng. Darunter
steht als Text:>
En nous envoyant cette photographie, M. l’abbé Johannès Kirschweng a bien
voulu nous écrire : « Je tiens à exprimer à votre journal, que je connais depuis très
longtemps, et à vos lecteurs ma sympathie sincère et paternelle. »
<S. 6 :>
Dans des poèmes en prose, qu’on pourrait aussi intituler Emaux et camées, il
chante les fontaines et les arbres, les fleurs et les rivières de son pays, les myrtilles
et les framboises, les guêpes et les corbeaux, la pluie et le vent. Impossible de
résumer ces tabeautins chargés d’admiration, de pleurs et de sourires. La nature,
décrite là, n’est pas somptueuse comme celle du Midi, ni austère comme celles
des plages nordiques. Elle est discrète et fine, elle est surtout en contact perpétuel
avec une population laborieuse, qui vient l’exploiter autant que l’admirer.
Ce qui montre le tempérament latin du poète, c’est qu’il n’essaye pas, comme un
pur Germain l’aurait fait infailliblement, d’incorporer à ces grêles récits ou
élévations une lourde philosophie de la vie, ou bien, puisqu’il est prêtre, une
« théologie des réalités terrestres ». Rien de tout cela. L’auteur pense que les
choses elles-mêmes, oeuvres de Dieu, sont aptes à consoler, à stimuler, à
réconcilier avec la vie, à faire battre le coeur plus vite. Il ne cherche rien de plus. Il
ne pense pas que poésie et idéologie soient synonymes. On pourrait aimer un
accent religieux plus fréquent et plus profond. Les Sarrois ne sont-ils pas un
peuple religieux ? L’auteur en a la pudeur, et c’est peut-être aussi un trait de sa
race. Mais sa foi affleure plus d’une fois.
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Une histoire mouvementée
Dans une autre partie de son oeuvre, Johannes Kirschweng évoque plus
longuement et plus méthodiquement l’histoire mouvementée et le caractère
complexe de son petit pays, ses légendes, son folklore et ses aspirations.
Dans un roman intitulé Le neveu du maréchal, il décrit la résistance spirituelle
de la ville de Sarrelouis, bâti par Vauban, aux efforts de prussianisation vers 1830.
Ce livre pourrait être un peu pour la Sarre ce qu’a été celui de Bazin, Les Oberlé,
pour l’Alsace, et celui de Barrès, Colette Baudoche, pour la Lorraine.
Conformément à une tradition robuste de la littérature allemande, le romancier
sarrois se tient plus près de l’histoire que ses émules français. Ce fait donne à son
récit une certaine lourdeur. C’est elle sans doute qui a fait négliger chez nous le
roman historique, considéré comme un genre hybride. Mais on apprend bien des
détails précieux sur la Sarre dans ce roman, qui n’est pas traduit en français.
Le « coureur de cathédrales »
Dans une nouvelle parue à Colmar pendant la guerre, c’est la Lorraine de la fin du
XVIIIe siècle qui est évoquée. L’auteur y introduit une idée qui lui est chère : la
renaissance politique ou du moins culturelle de la vieille Lotharingie, dont la Sarre
à longtemps fait partie. Le personnage central du récit est appelé « coureur de
cathédrales ». Tous les ans, en effet, ce paysan lorrain cossu tient à aller, sans
autre moyen de locomotion que ses jambes, tantôt à Metz. Il y reste plusieurs
semaines à l’ombre des prestigieuses cathédrales, qui sont la gloire de ces villes et
qui incarnent tout le monde chrétien qu’aime d’amour notre pélerin. Celui-ci y
rencontre des Mosellans, des Messins et des Alsaciens, avec lesquels il se sent en
communion parfaite. On peut rapprocher ce libre délicieux de celui de Barrès,
Lorrain lui aussi : Les amitiés françaises. Barrés y conduit le jeune Philippe aux
principaux sanctuaires du pays, aux « hauts lieux ou souffle l’Esprit », pour
imprégner l’enfant de l’âme de la France. Le coureur des cathédrales de
Kirschweng a la même ferveur, mais son pays ne lui suffit pas. Il lui faut
l’Europe, le coeur de la veille Europe chrétienne. N’est-ce pas beaucoup mieux ?
Un roman tout récent de notre auteur. La charrette du berger est placé dans
l’après-guerre, sur les frontières de la Sarre et de la Lorraine de langue allemande.
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Les gens y parlent de part et d’autre le même patois, se marient tantôt d’un côté et
tantôt de l’autre, se rassemblent, au même pèlerinage de sainte Oranne et prient la
même Sainte pour le retour de leurs prisonniers de Russie. Ils souffrent des
mêmes blessures de guerre, participent au même folklore et commettent les
mêmes péchés mignons. Les personnages de ce roman ignorent tranquillement les
frontières et semblent avoir tous pour devise le mot de l’Écriture : et in Deo meo
transgrediar muros. Il faut avouer que c’est là une anticipation plutôt qu’une
description de la réalité présente. Pourquoi beaucoup de Sarrois et de Lorrains
sont-ils aujourd’hui à couteaux tirés ?
Adieu à la Prusse
Nous signalerons encore à nos lecteurs un ouvrage fort personnel de Johannes
Kirschweng, une sorte de confession qui lui a été amérement reprochée outre-
Rhin. Il y fait ses adieux, non pas à l’Allemagne, dont il se dit tributaire
profondément, mais à la Prusse et au prussianisme. Après avoir dénombré les
richesses spirituelles qu’il doit à l’Allemagne et qu’il personnifie en des noms tels
que Goethe, Hoelderlin, Beethoven, Claudius, Moerike, Stifter : il évoque la
civilisation française, les cathédrales immortelles, Cézanne et Fragonard,
Montaigne et Rabelais, Stendhal et Balzac. Il se dit spirituellement aussi redevable
à la France, dont il connaît effectivement bien la langue et la littérature, qu’à
l’Allemagne qui a été sa principale nourricière. Il exprime le voeu de voir son petit
peuple servir de trait d’union entre deux nations qui se sont trop longtemps
combattues au lieu de s’enrichir mutuellement.
Evoquant son grand-père maternel, Jean Mathieu, Kirschweng écrit ces lignes,
que nous voulons traduire à nos lecteurs : « Goethe s’est levé pour moi, ainsi que
Beethoven et beaucoup d’autres, dont mon grand-père n’a jamais entendu les
noms. Mais je sais que si nous avions pu faire ensemble un bout de chemin
pendant les années de ma maturité, nous nous serions sentis unis par une
commune passion pour la vie. J’ai hérité de lui, entre autres choses, deux
sentiments : une antipathie inexorable pour tout ce qui est prussien et un amour
profond pour le pays si doux et si humain de l’Ouest. Même aux jours horribles du
nazisme, je n’ai jamais pensé que je pourrais être un jour autre chose qu’un
Allemand. Mais le mot, écrit quelque part, sur tout homme ayant deux pays, le
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sien et puis la France, ce mot a toujours exprimé pour moi une réalité particulière.
Il en est de même pour beaucoup de gens ici à l’Ouest, spécialement dans mon
pays natal. »
L’heure de l’union
Dans cette confession, quelques-uns ont vu une odieuse trahison de la patrie
allemande. D’autres l’ont qualifiée de flagornerie à l’égard de la France ou même
de calcul. Pourquoi ces interprétations malveillantes ? Est-ce un crime de
dissocier la Prusse et l’Allemagne ? Beaucoup de grands Allemands ne
l’ont-ils pas fait ? Est-ce un autre crime d’aimer la France, parce qu’elle a été
l’ennemie « héréditaire » ? Nous voyons dans cette confession l’attitude d’un
homme libre qui a compris que l’heure de l’hypernationalisme est passée et que
celle de l’union de l’Europe a commencé. C’est un précieux témoignage, dont
nous pouvons tous nous inspirer.
(A suivre.)
René Baltus
Lire demain :
L’avenir de la Sarre